Cela fait maintenant de nombreux mois que je cherche du travail, voguant entre entretiens, écritures de mes CV japonais à la main (avec le mal au poignet qui s'en suit, ou la crise de nerfs car j'ai raté un kanji et que je dois tout recommencer) voire des stages. Comme en France, la recherche de travail est un parcours du combattant lorsque vous êtes nouveau diplomé et en plus, gros désavantage, étranger. Et pourtant on me dit ça et là "mais tu vas trouver, l'informatique ça recrute !". Non, enfin oui, il y a des postes mais pas beaucoup pour les nouveaux diplômés.
On va aborder de suite le premier thème : le CV.
Ah le bon vieux CV japonais ! Il ne ressemble en rien au CV français. Les français ne mettent plus vraiment de photo (c'est au choix), ne l'écrivent plus à la main surtout ! Mais quand tu es au Japon, que tu viens de sortir, de l'université ou de l'école technique, tout frais, tu dois montrer tout de suite ton enthousiasme et ta capacité à te casser le c*l (pardon) en écrivant ton CV. Alors bien sûr il faut écrire clairement et aucune rature n'est acceptable, on recommence tout si on fait une erreur.
Mais le CV n'est pas que CV, il inclut tout dedans ! La lettre de motivation et une petite explication sur le passé personnel du candidat. Enfin surtout, le clou du spectacle, la cerise sur le gâteau, le bouquet final, l'étincelle qui met le feu au poudre : la photo (*avec une voix démoniaque*). Première chose dont vous aurez besoin aussi en entretien : le costard. Oui, pas de photo sans costard cravate qu'on vous dit sinon l'employeur lui, il se dit : "oh lala, quel original petit fainéant qui a pas d'argent pour faire son petit salaryman ou sa office lady au garde à vous". Et vlan ! Le CV que avez mis 2 heures à écrire, poubelle. Le japonais qui fera du zèle n'ira pas au photomaton (700 yens les quatres photos *haha*), non il ira chez le photographe payer 10 fois plus cher pour avoir la photo de sa vie encravaté. Vous l'avez compris donc, vous ne donnez par d'argent à l'employeur pour qu'il vous considère mais c'est tout comme. Allez vous faire voir les clodos, payez-vous un costard et au moins un photomaton, sinon ça fait négligé. Bon bien sûr au Japon on n'en à rien faire de tout ce qui est concept CV anonyme etc. Après cette petite description écrite, passons à l'image pour mieux comprendre (cliquez dessus pour mieux voir) :
Sur ce, passons à la deuxième étape si vous avez passé celle du CV (et de l'examen écrit si c'est une grosse entreprise) : l'entretien.
Ah les entretiens ! Tout d'abord il faut bien prendre rendez-vous, donc l'employeur il vous envoie un e-mail : "Bravo, vous avez été sélectionné, venez-donc taper la causette ! Pas besoin de costard cravate, vous êtes libres de venir en haillons.". J'adore encore l'hypocrisie du truc car si vous venez avec vos habits habituels, ce sera la porte.
Comme en France, on tombe sur tout types de personnes. Du mec sympa, au patron de PME qui arrive en crocs mais le pire auquel j'ai eu affaire, c'est celui qui avait sommeil. Forcément il me convoque et me demande de choisir une heure entre 20 et 22 heures (quoi ?? Mais rentre chez toi mon pauvre). Je choisis 20 heures, car faut pas éxagérer. Et ce qui devait arriver arriva : monsieur se présenta yeux rouges, baillant aux corneilles. Il sort difficilement mon CV, le pose sur la table et me dit : bon, expliquez-moi votre CV. Et là, un silence s'installe. Moi dans ma tête : mais bordel c'est qui ce type ? Heureusement un de ses collègues arriva. Celui-là par contre n'était pas avare de questions, il en posait trop même ! Sur mon enfance etc. Des trucs sacrément personnels quoi. On en ressort en se rongeant les doigts, en se repassant la scène des centaines de fois dans la tête à la recherche de la petite gaffe. Sympa quoi...
Entre quelques jours et 1 mois, arrive la réponse : soit c'est "désolé blabla...", sans bien sûr te dire les raisons avec un petit "ganbatte kudasai" (tenez-bon, courage !) ah merci mais je veux avoir du courage chez vous, c'est possible ? Non ? bon... Soit vous passez à l'étape suivante, en général un deuxième entretien, auquel je n'ai pas vraiment eu affaire.
Comme pour le CV, l'entretien doit se parer d'une hypocrisie parfois grossière. Il faut réfléchir à pourquoi on veut travailler dans cette entreprise machin chose. Bien sûr vendre son petit corps, sa force de persuasion ! Je suis le plus beau, c'est qui moi ai envie... PRENEZ-MOI BORDEL J'AI BESOIN D'ARGENT POUR VIVRE !!!!! Ah ça fait du bien.
Passons à l'étape bonus, celle du stage : j'en ai fait deux, bon le premier était sympa. Mais c'était deux semaines dans la petite entreprise d'un ami (3 personnes en tout). Bref pas grand chose à voir avec les entreprises japonaises, malheureusement il ne peut recruter personne à l'heure actuelle.
L'autre par contre, que je viens de finir, était aussi dans une PME de 11 personnes je crois. Il y avait 2 français et le manager parlait lui aussi français. Au début ça allait, j'essayais de faire de mon mieux, on me demandait des trucs tout nouveaux, souvent du "coding" HTML/CSS (alors que je suis plutôt PHP pour ceux qui connaissent), d'accord je fais, bon c'est pas parfait que l'on me dit, je refais etc. Un truc NORMAL quoi, je fais de mon mieux j'ai jamais bossé. Mais non on vient tergiverser : "il faut vraiment que tu penses que ce soit parfait de chez parfait avant de nous le montrer, t'auras pas toujours quelqu'un derrière toi, montre un peu plus d'envie aussi hein, il faut que tu t'intéresses plus, que tu fasses des choses toi-même".
Les deux semaines initalement prévues se transforment en 1 mois. Je continue, je fais des choses qu'ils disent apprécier ("ouah sympa le diaporama en CSS3 pour le site mobile." Ouais parce-que votre copié collé d'une diapo Jquery était plutôt moyen hein). Ouah sympa la lightbox (petite boite qui apparait quand on clique sur une photo pour mieux la voir, d'ailleurs Overblog n'en fournit pas) pour ce site. Oui effectivement vous aviez laissé en plan s'ouvrir les images dans un nouvel onglet, ça c'est du professionalisme effectivement. Moi je dois faire les choses parfaitement (enfin presque, fallait que j'atteigne 50% selon leurs critères, j'en étais qu'à 10... Ah bon.), vous non ça va, on a pas besoin de passer derrière (grrr).
Le premier mois s'est vu prolongé de 3 semaines. OK allez, on va faire mieux, on va se bouger un peu les fesses. Je demande du boulot, j'apprends des choses, j'essaie d'améliorer des trucs sur leurs sites. Plutôt positif quoi, même si ils ne me proposent pas toujours des choses et que c'est difficile d'occuper à 100% une journée de 8 heures. Je ne déjeune pas toujours avec eux car ça coûte cher. Du coup je mange vite-fait un bento (plat préparé) et il me reste au moins une demie-heure pour dormir un peu pendant qu'ils sont partis manger tous ensemble. Je m'endors sur le canapé, rien de mal quoi ils font bien la sieste chez Google. Je m'excuse même (me disant quand même qu'il pourrait trouver ça bizarre) auprès du manager ! Lui expliquant que j'avais besoin d'une petite sieste pour mieux bosser l'après-midi. OK pas de problème qu'il me dit. En plus j'ai déjà vu 2 ou 3 salariés en faire une en cachette pendant que le manager était de sortie (juré craché !). J'écoute un peu de musique dans mes écouteurs pour me motiver de temps en temps, comme tout le monde. Je dis tout ça car malgré mes efforts et ma patience, le manager me contacte lundi dernier par e-mail (même pas par téléphone) en japonais bien policé (alors qu'il me contactait en français depuis le début) pour me dire que oooh dommage on vous remercie pour vos deux mois d'efforts mais non, pas de boulot coco, bye bye. Les raisons exposées sont vagues voire inventées sur le tard : manque d'intérêt, manque de compétence (oh mon dieu pour un stagiaire), fait la sieste (ah tiens c'est nouveau ce reproche), écoute de la musique trop forte, ne parle pas bien (quoi ? Fallait que j'utilise le japonais hyper policé ?). Que du bonheur quoi, on m'aime bien mais au dernier moment paf dans ta gu*le et bonne chance pour ta recherche de travail.
Allez, je vous balance le mail que je n'ai jamais envoyé à ceux qui m'ont jeté au bout de 2 mois environs de stage/période d'essai au black, non payé :
Objet : Il y a des fautes d'orthographes de français sur votre site.
(envoi d'une image de leur site avec les fautes d'orthographe entourées en gros rouge)
Ca ne risque pas d'attirer le client, ni l'éventuel travailleur français (à moins qu'il soit très en fort en programmation et nul en orthographe mais va falloir chercher...).
Ah et vous direz à monsieur M***web (autre entreprise présente dans le même open-space) qu'il éteigne sa musique sur sa tablette Android. Oui, ça s'entend aussi bien que du bon vieux blues dans des écouteurs. Et chez Google on fait la sieste, pour mieux bosser l'après-midi (et c'est une entreprise qui marche je crois). Et au fait mon dieu, quelle offense de surfer sur internet alors que l'on ne vous donne rien à faire ;-). Ah oui, il fallait trouver des choses à faire. J'en ai trouvé, mais pas assez pour remplir 8 heures par jour (c'est mieux de faire des pauses cigarettes, c'est moins voyant c'est certain, mais je ne fume pas.) et sans doute que ces choses n'étaient pas suffisantes pour impressionner la gallerie!
Mais non je ne suis pas aigri, j'ai appris beaucoup de choses et je vous en remercie.
Toutefois, il y a bien des choses et des paradoxes que je ne comprends pas dans votre entreprise. Merci aussi de m'avoir dit ce qui n'allait pas selon vous, même si vous avez fait un peu de zèle (je pense) pour les quelques raisons que vous avez énumérées.
A bon entendeur salut.
Sympa hein ? Bon je vous autorise quand même à aller chercher des fautes d'orthographe dans mon article, j'en ai probablement faites vu le pavé que j'ai écrit. Mais au moins, probablement pas les mêmes (faute d'accents, "a" au lieu de "à"), et ils laissent comme ça, parce-que c'est vrai, c'est une entreprise parfaite, on n'a jamais besoin de passer derrière ;-).
Voilà c'était mes petites aventures de recherche de travail au Japon. Même si il y a des différences avec la France, vous pouvez voir qu'il y aussi des similitudes (aah les stages).
*vidéo bonus*
Merci à la personne qui m'a fait visionner cette vidéo après la lecture de mon article.
Elle montre, sans paroles, comment se passe le "shuukatsu", ou la recherche de travail au Japon. Dans ce cas ce sont les nouveaux diplômés (comme moi). Moi aussi j'ai du me couper les cheveux, me raser la barbe, et porter un costard cravate pour aller écouter, faire des entretiens, tout est bien décrit ! Vous me direz, dans d'autres pays c'est aussi souvent le cas, mais le Japon est particulièrement strict sur les règles qui régissent la sacro-sainte recherche de travail après les études. Moi cela m'arrangerait de distribuer les CV par internet et de faire les entretiens par Skype (je pourrais rester en caleçon au moins *haha*). Comment ça sors de chez toi ? Oui mais pas pour un entretien qui a 80% de chance de se solder par "un désolé, vous avez perdu, retentez votre chance... Enfin pas chez nous hein.". Et puis les costards ça gratte.
Désolé, je divague, voilà la vidéo ! Bientôt vous aurez d'autres nouvelles de mes recherches !